On entend souvent les parents dire qu’avoir des enfants implique beaucoup de sacrifices vis a vis du boulot. Dans le cas des couples en PMA, les sacrifices sont déjà présents et ce, même avant la conception.
Le travail a toujours été pour moi le moment dans lequel je me sentais véritablement exister socialement.
Ça a commencé en 2002 lorsque mon école a pu me dénicher un contrat en alternance de 2 ans pour valider mon diplôme. C’était un poste dans les assurances. Déjà ces premiers pas dans ce monde si particulier et inconnu m’ont permis de goûter au prestige des entreprises cotées au CAC40. Une fois mon diplôme obtenu, j’ai enchainé des missions d’intérim dans d’autres grandes entreprises jusqu’au jour ou j’ai décroché mon premier CDI, fin 2006 au siège d’une banque française.
A partir de ce moment là, ma seule et unique obsession était de grimper les échelons pour gagner toujours plus d’argent et me sentir comme une personne qui a réussi sa vie. En 2008, je m’achète ma première voiture neuve, une voiture confortable, celle qui a le plus de place à l’arrière de sa catégorie (j’en dirais pas davantage car ma voiture fera l’objet d’un article qui lui sera consacrée). Peut être qu’inconsciemment, je me préparais a être un bon père de famille avec une voiture familiale… Bref.
Au cours de ma carrière dans cette entreprise, je me suis crée un vaste réseau de collègues qui sont peu a peu devenus des amis. Et plus le temps passait, plus les annonces de paternité et de maternité s’enchaînaient dans mon entourage. Ben oui, quand on gravite autour de la trentaine, on ne peut pas y échapper.
Moi qui pensais tout avoir, je commençais à ressentir ce manque que vous connaissez tous, celui de fonder une famille. Le déclic a eu lieu en 2010, lorsque ma chérie a changé de travail et que nous voulions attendre la fin de sa période d’essai de 6 mois pour arrêter la pilule.
La suite, 2012, annonce de l’azoospermie, et début des multiples rendez vous en semaine, car vous le savez très bien, les centres PMA ne donnent de rendez vous qu’en semaine et il faut s’organiser avec son travail.
L’avantage quand on bosse dans une banque, c’est que l’on peut rester opaque sur la raison de nos absences car nous ne sommes qu’une goutte d’eau dans l’immensité de la masse salariale et surtout, nous avons un nombre insolent de jours de congés, je pouvais donc poser un jour par ci, un jour par là, ce qui me rendait serein dans les démarches.
Mon infertilité, je n’en parlait pas. Au départ, je voyais cela comme une tare qui ne collait pas au décor. Tout le monde était normal sauf moi. J’étais un jeune cadre dynamique infertile. En réalité, j’avais tort, ma collègue qui était assise juste à coté de moi pendant des années, m’a avoué, lors d’une sortie, qu’elle a tout essayé avec son compagnon pour avoir un enfant mais il ont décidé de tout abandonner et de passer aux démarches d’adoption. C’est toujours comme ça que ça se passe, c’est toujours lorsque l’on part d’un endroit, que l’on en sait plus sur les autres. En fait j’ai reçu cette confidence, peu après l’annonce d’un Plan Social dans mon entreprise, c’est certainement dans ces moments là que les gens s’ouvrent un peu plus aux autres. En même temps, parler de son infertilité au travail, est vraiment l’opposé de raconter les moindres faits et gestes de ses enfants. C’est pour cette raison que je préfère en parler aux collègues qui sont très proches et qui, eux, n’ont pas d’enfants parce que les pères et mères de famille te coupent automatiquement des conversations ayant pour thème les enfants, de peur que nous soyons blessés…. mais il ne se rendent pas compte que c’est plutôt ce comportement qui nous blesse. (enfin… je crois, je traiterais plus tard, dans un autre article, le thème des réactions paradoxales des personnes en PMA !)
A l’annonce du fameux PSE, j’ai pris le temps de réfléchir à ma décision de rester ou pas dans cette grande entreprise. Il s’agissait d’un risque que je n’aurai certainement pas pris si j’avais des enfants…enfin je ne sais pas, ce fantasme d’être un bon père de famille doit certainement fausser mon opinion. Quoi qu’il en soit je lai pris ce risque et il s’est avéré payant dans le sens ou j’ai trouvé un nouveau job en un temps record.
Je suis passé d’une entreprise empirique à une simple PME qui est certes une filiale d’un grand groupe mais sans en avoir les avantages. Adieu les 9 semaines de congés et bonjour à la normalité et aux congés sans solde. Adieu à la discrétion de mes absences et bonjour aux absences remarquées.
C’est très simple, tout le monde connait tout le monde et tout le monde connait tout sur tout le monde, pour être clair, garder un secret relève de la performance digne d’un agent double de la CIA. Les pauses à la cafet ressemblent à un épisode type de Caméra Café : Les RH qui discutent ouvertement des pathologies des salariés en arret maladie, les directeurs friands de jugement de valeur envers leur collaborateurs,…ça s’annonce mal !
Les premiers mois dans cette entreprise, je ne parlais pas trop de ma vie jusqu’à ce fameux soir ou j’ai terminé très tard car c’était la clôture annuelle comptable. Je rentre donc accompagné de mon directeur. C’est un homme d’une bonne cinquantaine, proche de la retraite. Il habite à environ un kilomètre de chez moi, nous faisons donc le trajet ensemble. Il me demande si j’ai des enfants je lui réponds que non. Et il insiste ; il me demande si c’est un choix où si nous avons des difficultés à en avoir. Je lui réponds que ce n’est pas un choix. Il me confie qu’il a une fille qui a 19 ans et que lui aussi est passé par la PMA. Avec son épouse, ils ont fait une IAC, à une époque où les techniques n’étaient pas aussi avancées que maintenant. Il me dit ensuite qu’il ne faut pas perdre espoir.
Je ne suis pas rentré dans les détails de mon parcours, mais depuis ce fameux soir, toutes les fois que j’ai dû poser une journée, j’ai juste eu à lui préciser que c’était en rapport avec la PMA et il l’acceptait sans me poser plus de questions. c’était le seul qui était au courant de ma situation.
En bref, vis à vis de ma direction, les contraintes liées à la PMA ne posent plus aucun problème.
Au fur et à mesure des mois, je devenais ce qu’on appelle un workaholic, celui qui travaille pour oublier ses problèmes, celui qui reste tard. Je me suis rapidement rendu compte que ça ne sert à rien, au contraire, ça nuit à ma santé et mon couple, quoi de mieux que de profiter de la soirée avec ma chérie ? Je me suis donc ravisé.
La seule chose qui me déplait dans cette entreprise, mais je pense que ça existe aussi ailleurs, c’est les à priori des autres. En voici un florilège :
Elle est carriériste, c’est pour ça qu’elle n’a pas d’enfants
Quoi tu as une maison et pas d’enfant ? il faut activer !
La PMA, c’est pas le truc avec les homosexuels et la GPA? (bon ok, j’avoue que la PMA, je ne connaissais pas avant d’y être confronté! mais n’empêche que quand on ne sait pas….)
Dans une société, les gens pensent savoir tout sur les collègues sauf que, très souvent, la vérité est tout autre.
En conclusion, concilier entreprise et vie de famille fait parti des mœurs pour bon nombre de personnes. Il faut juste ouvrir son esprit et se dire que ceux qui souhaitent vivre cette vie de famille se battent bec et ongles pour éviter que la vie professionnelle en pâtisse.
En ce qui me concerne, j’ai arrêté de me prendre la tête avec ma carrière, je pense qu’en cette période PMA, tout restera en stand by jusqu’à la prochaine étape tant attendue. L’étape du bon père de famille.